La cathédrale

 

La question du Sacré

 

La Cathédrale (nom générique donné aux avatars du Temple) est une tentative de recréation du lieu sacré nomade. Elle est le lieu de présentation des masques (on retrouvera les masques mortuaires des Rois d'Or en vitrine), et la concrétisation d'une certaine symbolique, avec en particulier les calicots qui font penser à des voiles, les personnages faits comme des fétiches de Blair Witch à partir de morceaux de bois ficelés, tissus, plumes, masques, les papiers suspendus qui évoqient des parchemins, la Cathédrale est à la fois un lieu de monstration et de défense contre l'angoisse.

S'il est question de rituel ou de sacré, il n'est pas cependant question de religion, mais plutôt de cet espace symbolique dont nous avons besoin pour marquer le temps et le lieu d'événements primordiaux subjectifs. Le glyphe qui sert de symbole à cette installation est une indication déraisonnable où certains pourraient se reconnaître ; l'alenvers permet de dire comment les contraires s'ajoutent, combien il est plus normal de vivre dans l'apposition que dans l'opposition, dans l'acceptation des contradictions plutôt que dans le conflit.

 

 

Technique

 

Cathédrale - 2017

Structure en tasseaux, toiles en calicots, cordes et ficelles, talismans-personnages, plumes, tissus, masques. EB.

Huit papiers torchon artisanaux d'Inde, 640g, de SB.

 

 

Légende des Rois d'Or

 

Selon la légende le fait de porter certains masques mortuaires de Rois d'Or augmenterait longévité et puissance. Il est probable que les masques, plus faciles à transporter parce que plus légers, et plus faciles à reproduire, représentaient un seul et même Roi. Le peuple de la horde semble s'être caractérisé par une liturgie heureuse et joyeuse, surprenante eut égard aux rituels étrangement inquiétants qui sont rapportés dans certaines transcriptions, et aux rappels à la mort et à la vanité de toute existence.

 

 

Nomade.

 

Il est des temps anciens et rudes où les hordes, après les déserts et les vallées, après les montagnes et les plaines, construisaient à la hâte leurs lieux de culte, petites cathédrales de misère, cathédrales de haillons, nomades, où tout objet prenait le sens sacré que lui donnait celui qui l’apportait. Les temps anciens sont les miroirs des temps nouveaux, et les cultes anciens renvoient aux cultes nouveaux.

 

À chaque fois ce qu'ils appellent la cathédrale est reconstruite avec les moyens dont ils disposent ; les masques des morts, deux noirs, un d'or ; les statues fétiches, branchages et cordages ; les calicots comme des voiles qui entraînent la structure au fur du temps ; il faut que cela bruisse ; que dans le silence on entende le murmure des quatre grands masques noirs.

 

On revient aux anciens mots, ceux que l'on ne comprend plus, ceux qui emmènent vers d'autres paysages spirituels. Ombre d'ombre, sur le monde de la nuit, ça s'éveille, ça se meut au secret des tombeaux. Vivent les rois d'or, dans l'ombre où tout dort. Ce qui souffle son secret prend sa vie.

 

Toute une liturgie. Rites anciens, rites nouveaux. Ce qui se transmet n'a pas de corps. Rêve de rêve peut-être.

 

La horde en son murmure avance, dépenaillée et souffrante, trouve dans les forêts et les déserts de quoi faire cathédrale, dresser une chaise à dossier droit pour ce qui leur tient lieu de Roi d'Or, le masque qui tiendra ce qu'il tiendra, dans les chats et la tempête.  Construire à l'infini pour les jours et les jours et dire encore les mots qui puisent dans le silence du temps.

 

On tire aux oiseaux quelques plumes. On crie, on rie, on chante alentour lors que se construit la cathédrale, selon les rituels. On répète les gestes les plus anciens en tentant de ne rien perdre, de ne rien ajouter de nouveau, mais on sait que c'est impossible.

 

Les cartes, les plans et les systèmes pendent aux flancs de la structure. On fait tinter les carillons.

 

EB